Le Double (1846),
Fédor Dostoïevski, Babel.
Lecture par Claire Deutsch,
dimanche 12 mars à 17h30
Goliadkine est un employé de bureau taciturne et solitaire. Sa vie monotone bascule le jour où il perçoit, marchant à ses côtés dans la rue, un homme qui lui ressemble. La présence inquiétante de cet autre va progressivement l’envahir. Il le précède partout où il va, s’installe dans son appartement et prend sa place au bureau. Il porte les mêmes vêtements mais contrairement à lui il est avenant et même jovial avec ses collègues de travail. Persécuté par son double, il sombre lentement mais inexorablement dans la folie.
« Quoi, qu’est-ce que c’est ? » murmura M. Goliadkine avec un pâle sourire incrédule, – mais il tremblait de tout son corps. Un frisson lui parcouru l’échine. Cependant le passant avait complétement disparu, on n’entendait même plus le bruit de ses pas, et M. Goliadkine était toujours figé sur place à le chercher des yeux. Pourtant il finit peu à peu par reprendre ses esprits. « Mais qu’est-ce qui se passe ? pensa t-il avec agacement, est-ce que je suis en train de devenir fou ? » et il tourna les talon et reprit sa route, accélérant et précipitant de plus en plus sa course et s’efforçant plutôt de ne plus penser à rien. Il en vint même, pour ce faire, à fermer les yeux. Soudain, à travers les hurlements du vent et le vacarme de la tempête, parvint de nouveau à ses oreilles le bruit des pas tout proches. Il tressaillit et rouvrit les yeux. De nouveau devant lui, à quelques vingt pas, se dessinait la courte silhouette d’un homme qui se rapprochait de plus en plus. L’homme marchait à vive allure, hâtivement, à petits pas pressés ; la distance entre eux diminuait rapidement. M. Goliadkine pouvait déjà distinguer parfaitement son nouveau compagnon attardé, – il le considéra et poussa un cri d’étonnement et de frayeur ; ses jambes se dérobaient sous lui. C’était le même marcheur qu’il connaissait déjà, celui qu’une dizaine de minutes plus tôt il avait vu passer auprès de lui, et qui de la façon la plus imprévue réapparaissait maintenant devant lui. pp 86-87