The First Third (1971)
Neal Cassady, City Light.
Lecture par G.T.,
samedi 21 avril à 17h.30
“Je venais justement d’avoir six ans, et l’hiver, aussi rigoureux qu’à l’habitude, s’était abattu sur la ville, quand nous emménageâmes, mon papa et moi, au Metropolitan. Avec ses cinq étages au coin de la 16e et de Market Street, c’était un vestige du passé qui menaçait ruine. Et bien qu’il eût été condamné depuis des années, il abritait, et abrite encore, une centaine de misérables. À chacun des étages on ne dénombrait pas moins de trente box que séparaient des cloisons dressées à peine de moitié, en sorte que le plafond me parut démesurément haut. Ces trous à rats se louaient d’ordinaire entre dix et quinze cents la nuit, encore qu’il fallût compter le double dès qu’on choisissait la catégorie supérieure, celle-là même où nous nous trouvions, mais mon père ne déboursait qu’un dollar par semaine, rapport au fait que nous étions sous les toits et que nous partagions notre intimité avec un tiers.
Ce colocataire dormait sur une sorte de plate-forme – en réalité, une planche de bois posée sur l’arrondi de la canalisation de l’immeuble. Étant donné sa longueur, moins d’un mètre, personne n’aurait pu s’y tenir. Sauf notre homme qui, pour avoir été des années auparavant amputé des deux jambes, s’y ajustait au centimètre près. Fort opportunément, on l’avait baptisé« Shorty », et il me parut des plus désopilants que son sobriquet s’ajustât lui aussi à son châlit.”
p. 76-77