La collection invisible (1925)
Stefan Zweig (Le Livre de Poche)

Lecture par Jérôme Hentsch
samedi 6 avril à 19 heures 30

Peu après la première guerre mondiale, dans une Allemagne en ruine, un antiquaire cherche des gravures qu’il pourrait vendre. Il se souvient d’un éminent collectionneur à qui il va rendre visite. Sa femme ainsi que sa fille l’interceptent et lui annoncent qu’une grande partie de la collection a été vendue afin de pouvoir acheter le minimum pour survivre, et ceci à l’insu du vieil homme devenu aveugle. La rencontre poignante des deux hommes aura lieu et le collectionneur va décrire chacune des estampes dans ces moindres détails, alors même que parfois, une page blanche a été remplacée en lieu et place de l’édition originale.

« Il découvrit la première feuille et dit:
– Voici le Grand Cheval.
Avec une précaution infinie, comme s’il touchait un objet fragile, il tira du carton un passe-partout qui encadrait une feuille de papier vide et jaunie. Prudemment, du bout des doigts, il la souleva devant ses yeux éteints et la contempla avec enthousiasme, sans la voir. Tout son visage exprima l’extase magique de l’admiration. Tout à coup, était-ce le reflet du papier ou une lumière intérieure, ses pupilles figées et mortes s’éclairèrent d’une lueur divinatrice.
– Et bien! dit-il, avez-vous jamais vu une plus belle copie? Comme c’est net, comme le plus petit détail se dessine clairement. (…)»

Stefan Zweig, La collection invisible, in La Peur, p. 243