La Rotonde (2004),
Anne-Marie Garat, Actes Sud.
Lecture par Mélanie Foulon,
dimanche 4 décembre à 17h30
Bref roman circulaire, où se répète inlassablement le trajet d’une balle, tirée accidentellement ou par inadvertance par le père de la narratrice au moment de sa naissance. Partie du perron de la maison, la balle traverse la baie et résonne sur la falaise qui domine la baie.
“Que mon père presse si furieusement, dans cet appareil, et en cette posture, la gâche de son fusil, obéit sans nul doute à une passion subite de mort. Il veut la mort, il la veut absolument, sinon il n’arme pas sa main de si bon matin, au moment où, à l’horizon maritime, paraît le soleil terrestre qui éclaire ce théâtre de ma naissance. Au bas des marches de notre maison, le soleil nimbe le profil véloce de mon père emporté dans son élan sous l’envol des rideaux blanc. Son jarret prend appui arrière, du genou fléchi, l’autre jambe tendue l’arrête dans sa course. Son aisselle bloque le fusil de guerre et sa nuque ploie, son oeil s’ajuste au viseur. Le bouton de sa manchette lance un éclair d’argent. Sa tête est nue, son front blanc résolu : penché
sur l’arme il semble endormi, par un enchantement. Statue de marbre, il réverbère le soleil de mille feux charmeurs, pourtant il est de chair ! Sa chair humaine est chaude, juvénile, elle donne et prend de l’amour car c’est encore un tendre enfant, plein de vie, vivant volubile, superbe et généreux, mon père est magnifique, absolument sexuel, sa jeunesse virile est phénoménale. La raison reste inconnue de nous pour laquelle, à l’instant de ma naissance, il se précipite armé dans notre jardin et tire subitement un coup de fusil.” pp. 42-43