Agnès
Ferla

Dans les Alpes suisses et les souvenirs de famille, je redécouvre ma boîte de crayons de cire. C’est une palette de seize couleurs. Il en manque deux. Probablement le blanc et un rose ou un orange saumon. Je trace quelques lignes. Les couleurs sont plus claires que l’objet lui-même. Le bleu de Prusse est très lumineux, un peu comme les cartouches d’encre diluée dans de l’eau. Je me souviens avoir plongé des pâquerettes dans ce mélange, pour en teinter les pétales. 
Au tour de la couleur bordeaux, qui devient fuchsia sur le papier. Ce bordeaux-là, celui du crayon, c’est la couleur d’une infusion de karkadé intense que j’ai goûté pour la première fois au bord du Nil. Le bleu-vert proche de l’émeraude, c’est les teintes de la pézize turquoise, un champignon en forêt, que j’ai confondu il y a quelques jours avec des traces de peinture en spray. 
La cire couleur écorce d’orange, ressemble aux fruits que je mangeais au coin d’une table de métal grise. C’était avec mes collègues de montage au Wattis, sous la brume, le vent froid et le soleil de San Francisco. Il reste plus que le jaune, j’aurais aimé que ce soit un jaune plus terne, délavé par le soleil, comme celui de Naples que j’ai sous forme de pigment à l’atelier. Mais c’est un jaune citron, rien de plus frais et banal.